Anthropologue au CERLIS (Centre de recherche sur les liens sociaux), Alice Sophie Sarcinelli est chargée depuis la rentrée 2023 de la mission Égalité Diversité Inclusion (EDI). Ses recherches portent sur l’enfance et la famille en Europe et en Amérique du Sud.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours universitaire ?
J’ai été formée à la recherche sociale en Italie, en Norvège, au Brésil et en France. Mon parcours dans et au-delà du monde académique a débuté par une thèse réalisée à l’EHESS, à Paris, sous la direction de Didier Fassin grâce à l’une des premières conventions Cifre signée en sciences humaines et sociales, en l’occurrence entre l’IRIS et une organisation non gouvernementale, « Médecins du monde ». Cette thèse a donné lieu à l’ouvrage Des gamins roms hors-de-l’enfance. Entre protection et exclusion, paru en 2021 aux éditions des archives contemporaines. J’ai poursuivi ma carrière académique à l’international grâce à une bourse post-doctorale du Fond National de la Recherche Scientifique Belge et puis au sein d’un projet européen Horizon2020 à l’Université de Milan Bicocca, en Italie. Je suis enfin revenue en France grâce à une bourse Marie Curie que j’ai réalisé au Centre Norbert Elias de Marseille avec Agnès Martial.
Comment s’est déroulée votre arrivée à l’UFR Sciences humaines et sociales ?
J’ai été recrutée en qualité de maîtresse de conférence au CERLIS en 2022 sur un poste intitulé « Anthropologie sociale de la famille, de la parenté, du genre ». Tout en étant très attachée à mon identité d’anthropologue, j’ai toujours été convaincue qu’autour de certaines thématiques, comme la famille et l’enfance, la perméabilité des frontières disciplinaires est productive. J’ai donc été attirée par ce poste pour la convergence des centres d’intérêts avec le CERLIS dont plusieurs axes s’intéressent à des problématiques centrales pour moi (la famille, le genre et les âges de la vie), alliée à la possibilité de me consacrer à des enseignements autour de la parenté, de la famille et du genre, qui résonne particulièrement avec mon vécu scientifique.
Quelles recherches menez-vous actuellement ?
L’enfance et la famille ont toujours occupé une place centrale dans mes recherches. Je me suis d’abord penchée sur la politisation de l’enfance – à savoir les processus faisant des questions et des pratiques relatives à l’enfance un enjeu politique – et j’ai progressivement intégré la politisation de la famille et de la parenté. Croiser marges et enfance m’a permis de mettre au jour des processus invisibles où certains répertoires normatifs vont de soi. J’ai notamment montré le rôle crucial des enfants dans la redéfinition des frontières entre les familles minorisées et les institutions étatiques. La singularité de mon approche réside dans l’attention portée à l’enfant, entendu comme catégorie d’âge et de la parenté. A la frontière entre acteurs et vecteurs de la parenté, les enfants héritent d’une pluralité de normes et de pratiques de la parenté dont ils s’emparent progressivement, tout en les contestant et les transformant, même indirectement. S’intéresser aux descendants donne à voir ces transformations à l’endroit et au moment où elles se fabriquent. D’un point de vue théorique, j’ai été amenée à rompre avec le paradigme de production de connaissance sur la parenté par, pour et sur des hommes, en développant le concept d’enfantalité, qui vient compléter à la fois le concept de parentalité et celui de la fabrique de la personne. Devenir une personne dans les sociétés euro-américaines implique une pleine participation à un système de parenté (Bonnemère, 2009) et au système juridique. D’où l’intérêt de penser conjointement les statuts de enfants en tant que sujets de droit, d’acteurs de la parenté et de personnes. Je viens de commencer une nouvelle recherche ethnographique à Salvador, au Brésil, où je vais étudier des procédures de reconnaissance légale de liens de filiation, à savoir la filiation socio-affective et la paternité génétique.
Vous ont-elles sensibilisée aux enjeux et à la promotion des égalités ? De quelle manière ?
Mes recherches m’ont permis d’étudier différentes problématiques liées à la promotion des égalités, à savoir les processus de racialisation à l’encontre des familles roms, les discriminations à l’encontre de familles homoparentales et les questions de genre, que j’ai abordées dans mes différentes enquêtes, de l’enfance genrée rom à la filiation monosexuée. En parallèle, j’ai été très engagée autour de ces questions en tant que présidente de l’association italienne Blimunde-Regards de femmes sur la santé et la médecine, au sein de laquelle j’ai coordonné différents projets de recherche-action autour de l’égalité et des violences de genre, comme le projet de théâtre narratif lauréat du Prix de la municipalité de Milan intitulé « Milan Femme 2021 ».
Quel est le rôle de la mission Égalité Diversité Inclusion (EDI) ? Quels dispositifs concrets souhaiteriez-vous mettre en place en SHS ?
Le périmètre de la mission Egalité, Discrimination et Inclusion est très vaste : l’information, la prévention, la sensibilisation ; le traitement des signalements de discriminations, harcèlements et violences (via le dispositif de signalement : signalement@u-paris.fr), ainsi que la formation aux égalités et à la lutte contre toutes les discriminations de l’ensemble de la communauté universitaire.
La mission doit donc agir en faveur des égalités et contre toutes les formes de discrimination, violences, harcèlements et stéréotypes : non seulement liés au sexe et au genre, mais aussi au handicap, aux origines, à la religion et bien d’autres. Et ce travail est à mener auprès de l’ensemble de notre communauté : les étudiant.e.s et tout le personnel de notre université. C’est un véritable défi ! Tout d’abord, certaines formes de violences et discriminations plus visibles que d’autres. Quand on dit Egalité, tout le monde pense aux violences sexuelles et sexistes. Or il faut comprendre que le dispositif de signalement est conçu pour toute forme de violence, harcèlement et discrimination.
Par ailleurs, la tendance est d’oublier que discriminations et violences sont transversales à toute la communauté et que auteur.e.s et victimes se trouvent de deux côtés. Le risque est d’informer et d’être à l’écoute des étudiant.e.s, en oubliant doctorant.e.s, personnels administratifs, enseignant.e.s titulaires et vacataires, chercheur.e.s, enseignant.e.s-chercheur.e.s. Les séances d’information et de sensibilisation sont organisées par le personnel et destinées aux étudiant.e.s. Or les étudiant.e.s peuvent aussi contribuer à la préparation des instruments de sensibilisation ! C’est pourquoi nous allons les impliquer dans la rédaction d’un vadémécum et dans la traduction des supports en anglais. Et il ne faut pas penser que les enseignant.e.s chercheur.e.s sont tous et toutes formé.e.s sur ces sujets. Il me semble important que ces types de formations fassent partie de la liste des 32 heures de formation obligatoires pour les nouvelles et nouveaux maîtresses et maîtres de conférence, qui sont censées améliorer les compétences pédagogiques des nouveaux et nouvelles recruté.e.s. Pour l’instant, le fait de ne pas véhiculer des stéréotypes dans ses cours n’est pas considéré comme une compétence pédagogique ! Et je crois qu’il faut insister là dessus.
En tant que correspondante, je ne travaille pas toute seule, mais en collaboration avec le Vice-Doyen EDI (Régis Revenin), la Vice-Présidente EDI de l’Université (Joëlle Kivits) et son équipe, l’ensemble des autres correspondant.e.s de la Faculté, ainsi que les référent.e.s Egalités des laboratoires de notre UFR.
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